La piste du Kremlin by Gérard de Villiers

Auteur:Gérard de Villiers [Villiers, Gérard de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Espionnage, SAS
Éditeur: Gérard de Villiers
Publié: 2000-08-09T22:00:00+00:00

CHAPITRE XI

Une pluie fine tombait sur les débris de ce qui avait été le bâtiment 36 de Kachirskoïe Chosse. Au sud-est de Moscou, c’était une longue avenue sans joie, bordée de tristes clapiers de béton gris, à perte de vue.

Il ne restait rien de l’immeuble effondré, sinon sa plaque posée à terre avec des photos récupérées dans les débris et quelques fleurs.

Sauveteurs, pompiers, policiers pataugeaient dans la boue, en retrait de l’avenue, car le bâtiment explosé se trouvait à une cinquantaine de mètres de Kachirskoïe Chosse, adossé à une petite colline.

Une odeur d’incendie flottait encore dans l’air. Partout, des voitures déchiquetées par l’explosion, des tas de gravats, des grues, des instruments de levage. L’explosion s’était produite vers quatre heures du matin, comme la première, cinq jours plus tôt. Les occupants du Korpus 3 dormaient et la plupart étaient passés directement du sommeil à la mort. Malko regarda longuement le grand trou entre les deux immeubles intacts. Les morts se comptaient par dizaines. Des survivants, hébétés, inscrivaient leur nom sur un grand tableau noir, afin de recenser les disparus. Une femme hagarde passa devant Malko, poussant une brouette pleine de gravats, le regard vide. Il avait fallu plusieurs centaines de kilos d’explosif pour provoquer une telle destruction.

Malko s’éloigna, le cœur serré. Il n’y avait rien à faire. Les radios n’arrêtaient pas de parler de l’attentat. Tout le monde accusait les Tchétchènes, en dépit des dénégations officielles de Chamil Bassaiev. Le MVD — le ministère de l’Intérieur — annonçait des arrestations massives de « Caucasiens ». On n’était pas loin du pogrom… Malko remonta vers le Koltso, en proie à un profond sentiment de malaise. Il entra dans l’ambassade américaine par la « North Gate » et se rendit directement dans le bureau d’Austin Redd.

L’Américain avait épinglé sur sa grande carte de Moscou une seconde punaise rouge dans le sud-est. Il semblait perplexe.

— Vous croyez aux accusations des officiels ? demanda Malko.

L’Américain eut un geste désabusé.

— Ici, tout est possible. Mais si c’étaient les gens de Bassaiev, ils auraient plutôt frappé des casernes ou des bâtiments officiels, pas des HLM remplies de pauvres anonymes. Depuis le mois de juillet, ils auraient eu plusieurs occasions.

Effectivement, une guerre larvée opposait depuis juillet l’armée russe et des groupes islamistes tchétchènes et dagestanais dans les montagnes du Dagestan, petite république du Caucase du Nord ayant une frontière commune avec la Tchétchénie.

Apparemment, Chamil Bassaiev, activiste islamiste tchétchène, avait volé au secours d’un autre groupe, dagestanais lui, commandé par un certain commandant Khattab.

Personne ne savait encore comment les choses allaient tourner. Durant la guerre entre la Russie et la Tchétchénie, Chamil Bassaiev avait ridiculisé l’armée russe, arrachant fin 1996, après deux ans de lutte, l’indépendance informelle de la Tchétchénie. Or, de nouveau, l’armée russe se battait dans le Caucase, dans un État voisin de la Tchétchénie, où la Russie possédait d’énormes intérêts pétroliers. Plusieurs villages dagestanais avaient été bombardés mais la guerre n’était pas arrivée jusqu’à Moscou.

— Si ce ne sont pas les Tchétchènes qui ont commis ces

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